- Sur la berge - [libre]

Zéphyr se tenait sur la berge du lac et admirait les bleus du ciel et de l'eau. Un mélange de turquoise agrémenté de la mousse blanche des écumes et des éclats dorés du soleil ; un bleu ciel profond où se perdaient quelques nuages effilés et disparates...

Le clapotis des vagues résonnait comme une douce musique à ses oreilles. Il se laissa bercer, penchant lentement la tête d'un côté puis de l'autre, sur un rythme qui paraissait imaginaire.

*Quelle symphonie merveilleuse*

Il releva lentement les bras et se mit à dessiner des arabesques dans les airs, lentement. La surface de l'eau, au centre du lac, parut bouillonner. Dans une explosion de gouttelettes, une fontaine jaillit et s'éleva haut dans les airs. Zéphyr fit de nouveaux gestes, et des formes se dessinèrent dans l'eau même - des chevaux, des dauphins, des aigles. Il laissa libre court à son imagination. Les animaux entamèrent une danse autour du lac, zigzaguant les uns autour des autres dans une chorégraphie tourmentée. Le bruit des flots était semblable aux frottement de milliers de tissus.

Puis Zéphyr cessa brusquement. L'eau retomba dans le lac en une pluie fine, presque brumeuse. Les animaux s'évanouirent tous en même temps.

Il avait senti un regard posé sur lui.

*Qui est là ?*

Ellias passait avec Léa, jouant avec elle, faisant des galipades. Ils n'avaient même pas fait attention à la personne qui se tenait face au lac. Ce n'est que lorsque l'eau commença à s'agiter qu'ils s'arretèrent. Léa était complètement fascinée par le spectacle. Ellias pouvait lire l'admiration sur son petit visage. Le jeune homme savait exactement qu'elle expression elle aurait faite... si elle avait encore sa véritable forme.

* Un jour, je te rendrais ton apparence mon coeur... Et tu pourras voir ce spectacle à travers des yeux de femme. Et je pourrais voir ton visage s'illuminer comme il le faisait il y si longtemps *

Nous voulant pas montrer sa douleur à sa soeur, Ellias s'avança un peu, toujours sous sa forme de chat. Il regarda alors plus attentivement le magicien. Les gestes qu'il traçait dans l'air étaient artistiques, majestueux, mais ils traduisaient, comme la danse de l'eau elle-même, une tristesse et une solitude absolue. De ces yeux de chat, Ellias chercha à en savoir plus sur la personne. Mais son regard dut se faire trop insistant, et soudain, le phénomène s'arreta. L'homme était en alerte. Léa rejoignit son frère et lui fit comprendre qu'elle regrettait le spectacle. Ne voulant pas chagriner sa soeur, Ellias reprit sa forme normale.

"Pardonnez moi si je vous dérange, mais ne pourriez vous pas continuer ? C'était si magnifique..."

Maintenant qu'il ne se cachait plus sous la forme d'un chat, l'orphelin se sentait gené de sa demande. Après tout, pourquoi le magicien ferait ce qu'il demandait ? Cela n'avait aucun sens... Mais il attendit tout de même la réponse.

Quand Zéphyr se retourna, son regard rencontra ceux de deux chats qui le fixaient. Puis contre toute attente, l'un des chats prit forme humaine. Il s'agissait d'un homme, qui devait avoir à peu près le même âge que lui. une longue cicatrice parcourait sa joue.

*De la métamorphose ? Elle est d'un niveau exceptionnel...*

L'homme qui venait d'apparaître sembla désolé de l'avoir interrompu. Il s'excusa et lui demanda de continuer.

*Cette voix... J'aime beaucoup cette voix. Elle est chaleureuse*

"Qui êtes-vous ?"

Zéphyr se maudit intérieurement. Il était d'une rudesse, parfois.

*Des salutation auraient été plus appropriées... Tu n'es vraiment pas délicat*

L'homme lui répondit sans détour. Sa question était franche, pas de fausse politesse. Cela lui plaisait. Beaucoup même. Ellias oublia sa gène et répondit franchement.

"Je me nomme Ellias Erkizd. Je viens d'être nommé professeur de métamorphose à l'école de magie. Je ne sais pas si je suis à la hauteur, mais bon... je voudrais faire de mon mieux pour que les jeunes ne refassent pas les même erreurs que j'ai faites par le passé... Je ne sais même pas pourquoi je vous dis ça, en fait... Et vous, qui êtes vous ? En tout cas, vous êtes un grand magicien. C'était très beau !"

Disant cela, il montra d'un geste le lac, rappellant ainsi les prouesses qui avaient fait rêver Léa.

"Cela fait bien longtemps que je n'avais pas vu quelqu'un chose d'aussi beau... Vous pourriez recommencer s'il vous plait ?

* je dois être fou pour lui parler comme ça... Et le pire, c'est que Léa n'a même pas l'air d'avoir peur ! *

L'homme ne parut pas incommodé par la rugosité de Zéphyr. Il se mit à lui parler beaucoup.

*Ainsi, il est professeur de métamorphose. C'est pour cela qu'il est si doué*

"Je m'appelle Zéphyr Dawkins. Je suis également professeur à l'école de sorcellerie, en arithmétie."

Zéphyr hésita, mais la chaleur qui se dégageait de son interlocuteur fit sortir les mots de sa bouche.

"Je... Enchanté de vous rencontrer. Merci pour... pour les compliments. Je suis heureux de voir que quelqu'un apprécie ce que je fais. On reproche souvent à l'arithmétie d'être scolaire et théorique. Mais quand on sait bien l'utiliser, on peut créer des choses merveilleuses et qui sont loin d'être carrées."

*Est-ce bien moi qui raconte tout cela ?*

Comme honteux d'avoir autant parlé, Zéphyr se tut brusquement et baissa les yeux. Il vit aux pieds du dénommé Ellias le second chat. L'animal l'intrigua quelque peu

*Etrange... Les mélodies du coeur de ce chat sont... Non, je me fais des idées*

Le félin semblait attendre que le lac se remette à prendre vie. Zéphyr se souvint qu'Ellias venait de lui demander de recommencer à jouer avec les vagues.

"Je veux bien recommencer. Pour vous, et votre compagnon."

Il se surprit à sourire.

Puis il refit face au lac et balança gracieusement ses bras devant lui. Des colonnes d'eau se formèrent. Il sculpta deux silhouettes humaines dedans, les fit courir à la surface de l'eau. Puis un léger brouillard voila les deux corps. L'instant d'après, deux chats galopaient côte à côte, roulant sur les vagues, éclaboussant doucement l'air alentour de gouttes d'argent. Zéphyr les fit exploser en une myriade de papillons minuscules, qui s'évaporèrent peu à peu, doucement.

*D'où m'est venue cette inspiration soudaine ?*

"Cela vous a-t-il plu ?"

Zéphyr regarda en face Ellias. Et cette fois, il lui adressa consciemment un vrai sourire.

L'homme était donc un professeur lui aussi. L'arithmétie. C'était pas des mathèmatiques ça ? Comment cela pouvait-il avoir un lien avec la magie ? Ellias eut une fois de plus la preuve de sa propre ignorance. Pour quelqu'un qui se prétendait être un professeurs, c'était le comble.

"Je suis heureux que nous soyons collègues. Je maîtrise, plutôt bien vous avez du le remarquer, la métamorphose, mais juste ça. Pour le reste je suis aussi ignorant qu'un enfant. J'aimerais comprendre un peu comment des chiffres peuvent donner des choses aussi jolies..."

Puis Zéphyr leva à nouveau les bras. Le spectacle était joli, mais il frappa de stupeur Ellias et Léa. Ils restèrent fichés bien après que les derniers papillons ne se soient dissipés. Lorsque Zéphyr leur adressa à nouveau la parole, peut-être était-ce à cause de son sourire chaleureux, mais Léa alla se frotter à sa jambe en ronronnant. Son frère lui se laissa tomber à terre, les larmes aus yeux une fois de plus.

* Comment... mais comment ? J'ai pourtant fermé mon esprit ! *

Et finalement, la question sortit d'elle même.

"Comment avez vous su pour ma Léa ?"

Avec surprise, Zéphyr sentit le chat se frotter contre sa jambe. Mais sa surprise fut plus grande encore quand il vit l'homme s'effondrer, des larmes plein les yeux.

"Vous vous sentez mal ?"

Il accourut, se pencha sur lui et lui posa une main sur l'épaule. L'homme paraissait bouleversé.

*Qu'ai-je donc fait ? Les battements de son coeur sont si rapides... Quelle est cette émotion ?*

"Léa ? Qui est-ce ? Je suis sincèrement désolé de vous avoir... enfin, si c'est ma faute... Je ne savais pas"

Et contre toute attente, Zéphyr sentit la tristesse refaire surface en lui. Voir un autre être humain dans cet état lui était douloureux. Il se sentait coupable.

*Papa... Non, Papa, ne brûle pas...*

"Je vous en prie, relevez-vous. Tout va bien. Expliquez-moi...

Ellias entendait Zéphyr parler, mais il ne comprenait plus ses paroles. Il sentait ses émotions contradictoires, mais cela n'avait plus d'importance. Léa, pauvre Léa, tout cela était de sa faute. Ils allaient être obligé de fuir encore, loin, toujours plus loin. Elle ne méritait pas ça, elle n'avait jamais mérité une si horrible punition pour une faute qui n'était pas la sienne. Puis quelque chose le sortit de son mutisme. Léa se frottait contre lui, inquiète.

* Mais qu'est-ce que je peux être idiot des fois... Faut être réaliste des fois... *

Zéphyr semblait sincère lorsqu'il disait qu'il ne comprenait pas. La magie qu'il avait employé lui était peut-être venu juste à cause de la métamorphose d'Ellias, rien de plus. Et le professeur semblait lui aussi porter son propre. Ellias s'en doutait depuis qu'il l'avait vu s'entraîner pour la première, et il en avait maintenant la preuve, dans les yeux de Zéphyr.

"Non, tout ne va pas bien. Pas pour moi ne tout cas... Ni pour vous je pense. Désolé pour ma réaction... mais ce que vous avez fait... les deux humains, les deux chats... Ma pauvre Léa..."

Ellias eut une crise de sanglots, et comme il le faisait pour elle, sa soeur vint le consoler. Dans ce contact contre lui, il trouva la force de continuer à parler, en gardan toutefois son regard rivé sur le lac, où il avait vu ses fautes se refléter.

"Si j'ai choisi de devenir professeur, c'est parce que je voulais prévenir les nouvelles générations des choses qu'ils ne doivent pas faire, plus que par vocation. Ce chat s'appelle Léa, ma soeur s'appellait Léa. Et ils n'ont pas que le nom en commun... Je ne sais pas si je devrais vous confier cela. Vous m'avez l'air sympathique, et je répugne à vous dégouter de moi... Mais je pense en avoir déjà trop dit. Vous voulez vraiment savoir ?

Cette fois-ci, Ellias croisa le regard de Zéphyr. Un vent glacial se leva brusquement et gifla de ses bourrasques les deux hommes. L'hiver s'annonçait.

Zéphyr ne sut que dire. Il ne comprenait pas grand-chose à l'histoire d'Ellias. Il sanglotait plus qu'il ne parlait, ne cessant de prononcer le nom Léa. Peut-être une ancienne connaissance défunte ?

"Je ne comprends pas tout, mais ne vous sentez pas obligé de vous expliquer. Chacun porte en lui les blessures de son passé, le poids de ses erreurs, le creux de la perte d'êtres chers. J'ai eu tort de m'inspirer de... Enfin, je regrette de vous avoir si profondément touché."

*Pourquoi dit-il que je ne vais pas bien ? Le voit-il ?*

"Toutefois, vous avez raison sur un point. Il est bien de tirer parti du passé pour ne plus reproduire les erreurs que l'on a faites. Vous ne me dégoutez pas. Comment pourrais-je vous juger en si peu de temps ?"

*Même si vous m'avez l'air d'être quelqu'un de très profond...*

"Vous devriez aller vous reposer. Je serai... Je serai heureux de reparler avec vous. Nous aurons sans doute l'occasion de nous croiser à l'école."

*J'ai envie de vous connaître mieux*

Zéphyr ne sut plus quoi dire. Les mots n'étaient pas assez précis, et lui pas assez expressif, pour décrire ce qu'il ressentait à cet instant. C'était tellement étrange. Il ne connaissait pas cet homme, mais ils se parlaient comme s'ils avaient déjà vécu ensemble.

*Ou comme si nous avions vécu les mêmes souffrances*

"Oui, je serai heureux de vous revoir."

Ellias écouta Zéphyr. Ce qui était une impression se fit certitude. Sa façon de parler, de donner des conseils venait d'une personne qui avait elle aussi souffert. Beaucoup. En tout cas, Ellias vint à penser que cela lui faisait du bien d'admettre à quelqu'un qu'il n'allait pas bien. Aussi franchement. Tout en croisant le regard de Léa, il se dit:

* Ici, je sens qu'on va bien se plaire, tu trouves pas ? Paradoxalement, je ne me suis jamais senti aussi bien en pensant à mes erreurs... Comme si en confier une partie les exorcisaient... *

Ellias sécha ses larmes et se releva. léa sauta de ses bras et commença et faire sa toilette.

"Vous savez quoi, moi aussi j'ai vraiment envie de vous revoir... Et d'apprendre à vous connaître. Vous m'êtes très sympathique. Et je pense que l'on a beaucoup en commun..."

Le vent souffla de plus belle. Quelques gouttes de pluie touchèrent le visage d'Ellias.

"Il vaudrait mieux rentrer, non ? Se serait bête que nous tombions malade... les deux directrices ont déjà assez de mal à trouver des professeurs !"

Zéphyr resta silencieux un instant.

*Voulez-vous réellement me connaître, Ellias ? Et moi, ai-je réellement envie que vous me connaissiez mieux ? Je ne veux pas que nos histoires respectives nous fassent de l'ombre...*

Zéphyr regarda Ellias dans les yeux. Il eut l'impression de plonger dans deux lacs à la fois chaleureux et tristes.

Finalement, il sourit et répondit :

"Oui, je me ferais une joie de vous revoir. Et en meilleure forme, si possible.

Vous avez raison, il commence à faire froid. Rentrons.

*Puissions-nous être vraiment amis.*

[fin du rp, sauf si tu as qqchose à ajouter ^^]